Nous avons rencontré

Métiers d’antan (1/2) : tavaillonneur

Rencontre avec Gille Emmanuel

Les 27 et 28 septembre 2025, se déroulait à Palaiseau le Festival Montagne & Musique, organisé chaque année en parallèle à la Brocante du Bout Galeux. Deux jours qui, entre autres animations, sont l’occasion de découvrir de « vieux métiers d’antan ». Première illustration avec Gille Emmanuel, qui fabrique des « tavaillons », de petites planches destinées à la construction de toiture.

– Si vous deviez, pour commencer, définir le « tavaillon », un mot que je ne connaissais pas avant de vous rencontrer ?

Gille Emmanuel : Le tavaillon est un mot en usage dans le val d’Arly, en Savoie, où il désigne une petite planchette ou tuile en bois de 45 cm de long et d’un cm d’épaisseur. Quant à la largeur, elle est variable selon les besoins. Le tavaillon est un élément constitutif d’une couverture de toit ou de façade, propre à des régions de montagne où on trouve du bois à profusion. Son origine remonterait à des temps très anciens. Il peut être obtenu à partir de mélèze, de hêtre, de châtaigner, de frêne,… Enfin, toute essence que l’on peut fendre.

– Ainsi que vous me l’indiquiez en amont de cet entretien, ce genre de planchette est en usage dans d’autres régions et pays, mais sous d’autres noms…

Gille Emmanuel : En effet, les couvertures de toit à base de planchettes sont très répandues en France, dans le massif du Jura, les Alpes, les Pyrénées, la Creuse, mais aussi sur l’Île de la Réunion et en Corse. La planchette peut alors s’appeler tavaillon, bardeau, ancelle etc.  Sa dimension et sa forme sont elles aussi variables selon les régions.

– On se doute qu’il présente un intérêt écologique qui pourrait justifier d’y revenir ?

Gille Emmanuel : Du temps de nos aïeux, on ne se préoccupait pas tant d’écologie que de faire avec les moyens du bord : cette ressource avait l’intérêt d’être à disposition, sur place, au plus près de leur maison ; elle ne nécessitait donc pas de recourir à des moyens de transport. Cela étant dit, les toitures faites à base de tavaillons présentent des avantages au plan thermique : à épaisseur égale, elles sont 10 fois plus isolantes que la tuile, 20 fois plus que l’ardoise, 35 fois plus que la pierre. Elles ont une durée de vie de 30 à40 ans, selon leur exposition et la qualité du bois utilisé.

– Et vous-même, comment en êtes-vous venu à produire des tavaillons ?

Gille Emmanuel : Je le fais à titre bénévole. Manuel, je fais bien d’autres choses. De manière générale, j’aime les vieux outils, les vieux métiers et savoir-faire. Des tavaillons, j’ai commencé à en faire suite à ma rencontre avec Monsieur Porret, un charpentier de montagne particulièrement doué : vous le laissiez dans une forêt avec ses outils, en quelques jours, il vous en sortait de quoi faire un chalet savoyard, tout ça, de ses propres mains. Il m’a transmis le virus que j’essaie maintenant de transmettre à mon tour, que ce soit dans des villages ou même des villes, comme ici à Palaiseau. J’ai plaisir à voir les gens émerveillés de constater qu’avec du simple bois, un tour de main, on réussit à construire de quoi se protéger des intempéries.

– Au-delà du tour de main et des outils, il faut aussi avoir un peu de chance, ainsi que vous me le disiez encore en amont de notre entretien…

Gille Emmanuel : En effet, car deux arbres d’essence identique, situés côte à côte, ne se comporteront pas de la même façon : on a beau les avoir sélectionnés avec soin, l’un va fendre de manière naturelle tandis que l’autre ne s’y résoudra pas. Au fond, c’est un peu comme nous autres, les humains, entre ceux disposés à vous aider et les autres qui vous mettent des bâtons dans les roues ! Aujourd’hui, comme vous pouvez le voir, j’ai eu de la chance : même s’il y a de rebus, ce bois-là se fend bien.

– N’est-ce pas là aussi que réside le plaisir de vous livrer à ce travail : voir si c’est votre jour de chance ou pas…

Gille Emmanuel : Si, étant entendu que lorsqu’on est en démonstration, comme ici, aujourd’hui, il faut bien faire avec [rire] !

Propos recueillis par Sylvain Allemand

À lire aussi l’entretien avec Francis – pour y accéder, cliquer ici.

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