1,2,3… Dix voix qui content

Livre de conversations

Ce recueil de conversations est une invitation à découvrir un métier singulier à travers dix parcours de femmes et d’hommes qui le vivent et le pratiquent avec passion, chacun à sa façon. De l’hôpital à la prison, dans les théâtres, les écoles, les musées et les médiathèques, dans la rue et même dans le métro, à l’improviste !… Ces amoureux du verbe sillonnent le pays (et parfois le monde) pour partager des contes, des mythes ou des récits de vie aux allures légendaires. En se prêtant au jeu du souvenir, elles et ils livrent à Sylvie Mombo, leurs expériences et questionnements, leurs (in)certitudes, leurs envies… Chacune de ces voix est résolument singulière, quant à l’ensemble, il résonne comme un appel à honorer ce qu’il y a de plus intrinsèque chez nous autres les humains, notre capacité à nous (ré)unir.

Avec les témoignages de Muriel Bloch, Nathalie Bondoux, Debora Di Gilio, Catherine Fonder, Patrick Fischmann, Eric Lauret, Karine Mazel, Hélène Palardy, Charles Piquion et Kamel Zouaoui.

Et une postface d’Inès Cazalas, maîtresse de conférences en littérature comparée à l’Université Paris Cité.

DÉTAILS TECHNIQUES

Auteur(s) : Sylvie Mombo
Catégorie(s) :
Nombre de pages : 192
Format : 100 x190 mm
Date de parution : 12 décembre 2024
ISBN : 978-2-9593522-5-6
Prix : 15,00 

Extrait

ENTREE EN MATIERE. Nous étions trois conteurs dans une galerie d’art, au milieu d’une assemblée composée majoritairement d’écrivains, d’enseignants et de chercheurs en sciences humaines et sociales. La soirée rendait hommage à Paul Claval, figure emblématique de la géographie contemporaine dont il propose une approche culturelle. La présentation de son ouvrage[1] fut suivie d’une conversation avec l’éditeur, puis avec le public.

Theresa Amoon, Charles Piquion et moi-même, nous étions, invités insolites, à l’écoute de ces échanges de haute volée et en résonance avec le lieu et son élégante scénographie faite d’abstractions géométriques, de noirs, de blancs et de cinétiques rendant hommage au peintre Malevitch. Nous n’avions rien préparé, mais l’on nous avait soufflé que, peut-être, nous pourrions raconter un petit quelque-chose. Nous ne nous sommes pas fait prier.

J’ai ouvert le bal avec une histoire courte, celle d’une maman souris qui sauve sa vie et celle de ses petits en pratiquant la langue des chiens pour faire déguerpir un chat menaçant. Une façon, pour moi, de signifier que la philosophie (objet du livre de Paul Claval) est la langue étrangère que je voudrais bien apprendre.

Puis j’ai passé la parole à Charles. « S’il te plaît, parle-nous de ta frontière ! ». Il a commencé en disant : « Je rêve d’une frontière magistrale et majeure, qui bouscule mon histoire et m’invente une mémoire. Pas de celles qu’on enjambe sans s’en apercevoir, pas une frontière qui vous laisse passer et puis qui vous oublie… ». Electrisés, nous l’avons écouté rendre hommage à la géographie à sa manière incongrue et poétique.

Puis Theresa s’est levée pour nous mener en Inde, au temps où les humains étaient aussi puissants et divins que les Dieux. Mais ils devinrent si arrogants et si violents que le Dieu Brahma finit par cacher leur puissance divine à l’intérieur d’eux-mêmes, là où ils auraient le plus grand mal à creuser pour la retrouver.

Chacun dans son style, nous avons raconté pour et avec le public, l’apostrophant par endroits, le prenant à témoin, rebondissant sur ses réactions, l’enjoignant à prendre la parole. Et nos trois récits ont complètement transformé le cours de la soirée et manifestement ému les personnes. Toutes ont tenu à nous témoigner de leur plaisir. À chacune, nous avons répondu que le lieu, l’auditoire et les contes y étaient pour beaucoup.

Les contes…

Plus j’avance dans ma pratique et plus je mesure l’étendue de leur puissance. Ces récits du matin du monde ont quelque chose de mystérieux et de magique, non pas seulement parce que leurs auteurs sont méconnus (si tant est qu’il y en ait eu), ni même parce que leurs structures sont ciselées à la perfection, mais sans doute parce qu’ils s’adressent à toutes et à tous, à chacune et à chacun, au-delà de toutes les frontières : géographiques, générationnelles et culturelles. Ils savent ouvrir une brèche ou plutôt un passage vers un ailleurs familier, celui du cœur et du sensible.

Les contes ont vécu jusqu’à nos jours, résistant au dénigrement ou aux attaques dont ils font l’objet – selon les uns, ce sont des histoires pour enfants, pour d’autres, des histoires dont il faudrait éloigner ces derniers… Pour ma part, je les vois comme des braises, non pas celles qui menacent de s’éteindre, mais celles sans cesse ravivées sous l’effet du souffle discret et constant des conteuses et des conteurs, amateurs et professionnels. Mais aussi des publics et des médiateurs que sont les bibliothécaires, les éditeurs, les animateurs, les professeurs, les programmateurs…

D’aucuns regrettent le manque d’intérêt des grands médias pour la pratique. Je m’en serais pour ma part presque réjouie, considérant que l’art du conte a surtout besoin de maisons, de jardins, de médiathèques, de MJC, de théâtres, de musées, de forêts, de pieds d’immeuble, de foyers, de maisons d’arrêt et de retraites, d’hôpitaux, d’écoles, de festivals… Car ce sont dans ces endroits qu’il vit à bas bruit pour nourrir et réenchanter nos sociétés, à travers des rencontres faites de chair et d’os, et de regards qui se croisent.

C’est (parmi bien d’autres) le genre de sujets dont j’aime débattre avec mes collègues conteuses et conteurs lorsque nous avons la chance de nous rencontrer lors de festivals et autres évènements consacrés aux arts de la parole. Ces temps d’échanges me sont devenus d’autant plus précieux qu’ils se font rares. La baisse régulière et constante des subsides allouées aux structures culturelles n’y est pas étrangère. Rares sont donc devenues les paroles croisées au plateau, les grandes tablées et les loges encombrées où nous prenions le temps d’interroger nos pratiques, de bousculer nos répertoires, de nous donner des nouvelles et de réfléchir ensemble à notre profession. Désormais, on nous invite bien souvent en solo, les uns et les unes après les autres.

C’est dans l’idée de renouer avec cet esprit que j’ai fondé en 2021, à Palaiseau (avec l’aide du collectif Tchekchouka auquel s’adosse mon activité depuis mes débuts), le Festival du Monde En Récits. J’ai, la même année, rejoint l’équipe du Festival de conte de Villebon-sur-Yvette (91), orchestré par Valérie Gervais, directrice de la Médiathèque municipale, qui souhaitait profiter de ce qu’elle appelle « mon regard de conteuse » pour accompagner la programmation.

J’ai invité Muriel Bloch, Nathalie Bondoux, Debora Di Gilio, Patrick Fischmann, Catherine Fonder, Éric Lauret, Karine Mazel, Hélène Palardy, Charles Piquion, Kamel Zouaoui à venir conter lors de l’un ou l’autre de ces évènements[2]. Je ne suis pas parvenue à les faire se réunir, hélas ! Les contraintes budgétaires ont eu raison de ma volonté… Mais en partie seulement !

Ce livre d’entretiens est une manière de rassembler ces voix du conte, d’écouter la singularité de chaque parcours, tout en prêtant attention aux échos remarquables qui donnent à l’ensemble de ces témoignages une ligne de fond en guise de fil rouge… Le fil de ce que pourrait être une bribe d’Histoire du conte, par les conteuses et les conteurs d’aujourd’hui[3].

Sylvie Mombo

Novembre 2024, Palaiseau.

[1] Les maitres de vérité de l’Occident, Paul Claval, Sérendip’éditions, 2024.

[2] Merci à Sylvain Allemand pour la réalisation (à l’occasion de ces événements) et la retranscription de trois des entretiens.

[3]Je rends ici hommage aux entretiens brillamment menés par le conteur Pascal Quéré qui signe une série de vidéos diffusée en ligne, intitulée « Être conteur aujourd’hui ? ». La façon dont il laisse libre-cours aux confidences, réflexions et interrogations auxquelles se livrent les conteuses et conteurs interrogés a très largement inspiré le présent ouvrage.

Ce recueil de conversations est une invitation à découvrir un métier singulier à travers dix parcours de femmes et d’hommes qui le vivent et le pratiquent avec passion, chacun à sa façon. De l’hôpital à la prison, dans les théâtres, les écoles, les musées et les médiathèques, dans la rue et même dans le métro, à l’improviste !… Ces amoureux du verbe sillonnent le pays (et parfois le monde) pour partager des contes, des mythes ou des récits de vie aux allures légendaires. En se prêtant au jeu du souvenir, elles et ils livrent à Sylvie Mombo, leurs expériences et questionnements, leurs (in)certitudes, leurs envies… Chacune de ces voix est résolument singulière, quant à l’ensemble, il résonne comme un appel à honorer ce qu’il y a de plus intrinsèque chez nous autres les humains, notre capacité à nous (ré)unir.

Avec les témoignages de Muriel Bloch, Nathalie Bondoux, Debora Di Gilio, Catherine Fonder, Patrick Fischmann, Eric Lauret, Karine Mazel, Hélène Palardy, Charles Piquion et Kamel Zouaoui.

Et une postface d’Inès Cazalas, maîtresse de conférences en littérature comparée à l’Université Paris Cité.

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