Le 18 septembre prochain, Élise Colin, auteure d’Échos d’en haut, interviendra dans le cadre de « Science à la coque », un rendez-vous proposé à l’heure du repas, de 12 h 30 à 13 h, par l’Université Paris-Saclay et la Communauté d’Agglomération Paris-Saclay, dans le merveilleux cadre du Lumen, la bibliothèque mutualisée où nous aimons nous rendre (la conférence a lieu à l’auditorium). Le principe : faire découvrir les différentes sciences à travers l’intervention d’un chercheur.
Naturellement, nous répondrons présent pour le plaisir d’y entendre notre auteure, mais aussi dans l’espoir de poser une question aux organisateurs : science à la coque, donc, mais de noix ou d’œuf ? Question saugrenue penserez-vous, peu digne d’être posée en pareille circonstance.
Deux approches selon Grothendieck
Nous-même n’imaginions pas la poser jusqu’à la découverte d’extraits de Récoltes et semailles[1], l’œuvre monumentale du célèbre mathématicien Alexandre Grothendieck, lauréat 1966 de la Médaille Fields. Nous sommes tombés dessus au cours de la lecture du très remarquable L’Usage du vide[2], du sinologue Romain Graziani que nous avons eu le plaisir d’interviewer sur son dernier livre Les lois et les nombres[3](entretien à venir). Dans ces deux extraits, Grothendieck expose les approches par lesquelles les mathématiciens entreprennent la démonstration d’un théorème.
La première est on ne peut plus brutale, et comme, on s’en doute, ce n’est pas celle que recommande le célèbre mathématicien :
« [elle] est celle du marteau et du burin, quand le problème posé est vu comme une grosse noix, dure et lisse, dont il s’agit d’atteindre l’intérieur, la chair nourricière protégée par la coque. Le principe est simple : on pose le tranchant du burin contre la coque, et on tape fort. Au besoin, on recommence en plusieurs endroits différents, jusqu’à ce que la coque se casse – et on est content. Cette approche est surtout tentante quand la coque présente des aspérités ou protubérances, par où « la prendre ». Dans certains cas, de tels « bouts » par où prendre la noix sautent aux yeux, dans d’autres cas, il faut la retourner attentivement dans tous les sens, la prospecter avec soin, avant de trouver un point d’attaque. Le cas le plus difficile est celui où la coque est d’une rotondité et d’une dureté parfaite et uniforme. On a beau taper fort, le tranchant du burin patine et égratigne à peine la surface – on finit par se lasser à la tâche. Parfois quand même on finit par y arriver, à force de muscule et d’endurance. »
Différente, la seconde approche exige plus de patience ; elle consiste à :
« [plonger] la noix dans un liquide émollient, de l’eau simplement pourquoi pas, de temps en temps on frotte pour qu’elle pénètre mieux, pour le reste on laisse faire le temps. La coque s’assouplit au fil des semaines et des mois – quand le temps est sûr, une pression de la main suffit, la coque s’ouvre comme celle d’un avocat mûr à point ! Ou encore, on laisse mûrir la noix sous le soleil et sous la pluie et peut-être aussi sous les gelées de l’hiver. Quand le temps est sûr c’est une pousse délicate sortie de la substantifique chair qui aura percé la coque, comme en se jouant – ou pour mieux dire, la coque se sera ouverte d’elle-même, pour lui laisser passage. »
De là la question que nous aimerions poser, en faisant l’hypothèse que ces deux approches pourraient servir de paraboles (pour reprendre un autre mot de Grothendieck) à ce qui se pratique dans d’autres champs scientifiques : science à la coque… d’œuf ou de noix ?… Nous ne manquerons pas de vous communiquer la réponse dans un post-scriptum.
En vérité, nous avons déjà eu un début de réponse : ce serait à la coque d’œuf en rapport au fait que la durée de la conférence (une trentaine de minutes, donc, temps d’échange avec la salle compris) correspond au temps nécessaire pour préparer un œuf à la coque et le consommer tranquillement. La question ne s’en pose pas moins de savoir quelle approche méthodologique promeut Science à la coque. À suivre, donc.
En attendant, et pour en revenir à la conférence d’Élise, précisons qu’elle sera suivie d’une séance dédicace, grâce à la présence d’exemplaires de son livre, assurée par la librairie Lagiraf. Que celle-ci en soit remerciée.
Récap’
Où ? À l’auditorium du Lumen (Gif-sur-Yvette).
Quand ? Le 18 septembre, de 12 h 30 à 13 h 00 (avec la possibilité de poursuivre un l’échange au-delà, de manière plus informelle).
Nous ne manquerons pas de vous communiquer le lien sur les pages dédiées du site de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay et de l’Université Paris-Saclay.
Sylvain Allemand
En illustration : de droite à gauche : Élise Colin, Fatma Tajani (Communauté d’agglomération de Paris-Saclay), Aboubacar Maiga (Lumen) et nous-même, en pleine préparation de la séance du 18 septembre prochain !
[1] Récoltes et semailles, tomes 1 et 2, Gallimard, 2023.
[2] L’Usage du vide. Essai sur l’intelligence de l’action, de l’Europe à la Chine, Gallimard, 2019.
[3] Les lois et les nombres. Essai sur les ressorts de la pensée politique chinoise, Gallimard, 2025.