Nous avons rencontré

Des kairotopes pour un urbanisme de la résonance

Entretien avec Luc Gwiazdzinski

Suite de nos échos au colloque « Hartmut Rosa : accélération, résonance, énergies sociales », qui s’est déroulé du 30 août au 5 septembre, sous la direction de Corine Pelluchon et Dietmar Wetzel, avec, cette fois, le témoignage du géographe Luc Gwiazdzinski {3e en partant de la droite, aux côtés de Hartmut Rosa) qui a participé à une table ronde sur la manière dont il s’est approprié des concepts de Hartmut Rosa, dans ses démarches de recherches relatives aux temps et rythmes de la ville, les chronotopes et autres kairotopes.

– Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux travaux, notions de Hartmut Rosa ?

Luc Gwiazdzinski : En tant que géographe, je me suis naturellement intéressé aux questions liées à l’espace mais dans son rapport au temps, à travers notamment les notions de chronotopie et de rythme. Dans les années 1990, mes recherches m’ont orienté vers la nuit dans les espaces urbains – comme vous le savez, elles donnèrent lieu à un colloque, ici-même, sur « La nuit en questions », en 2004. Je vis alors poindre un risque : la conquête de la nuit par les activités du jour au prix de désynchronisations temporelles, d’un décalage croissant et de conflits entre la ville qui dort, la ville qui travaille, la ville qui s’amuse, et qui peut être source de ce que Hartmut Rosa – que j’ai découvert alors à travers ses écrits, mais aussi rencontré à Grenoble pour un séminaire à la Chimère citoyenne – appelle des formes d’aliénation.

Luc suspend l’entretien pour nous signaler un magnifique arc-en-ciel…

Luc Gwiazdzinski : Il est particulièrement magnifique !

– En effet ! Merci pour votre attention… Par laquelle de ses publications avez-vous découvert ses travaux ?

Luc Gwiazdzinski :  Par Aliénation et accélération [La Découverte, 2014], justement. Sa lecture m’a conforté dans ce que je pouvais constater en tant que géographe au regard des temps et des rythmes urbains. Quant à la notion de résonance, objet d’un autre livre [La résonance. Une sociologie de la relation au monde, La Découverte, 2018], elle devait me conforter dans ma manière d’intervenir à travers une « géographie de plein vent » – une expression de l’historien Lucien Febvre [1878-1956] – ou encore une géographie situationnelle, qui consiste à intervenir dans l’espace public, en fabriquant des dispositifs soit d’exploration, d’observation, d’analyse, soit événementiels, de discussion, etc. – et ce, aussi bien dans un centre commercial que dans une gare, dans la rue… – en privilégiant l’expérience de la rencontre, sur une approche purement théorique.

– Avec quelle finalité ? Repenser l’urbanisme de nos villes ?

Luc Gwiazdzinski : En tant que géographe, je pose la question : où ? Quand ? Et comment faisons-nous territoire, famille et organisation dans une société mobile ? Je me place donc dans une perspective aménagiste non sans questionner la conception de l’urbanisme. Je ne doute pas cependant de la capacité des urbanistes de contribuer à une relation plus résonante, avec les autres, son environnement, que ce soit au travers d’un urbanisme événementiel bien pensé, d’un urbanisme culturel, ou encore de politiques temporelles, qui cherchent à ralentir plus qu’à accélérer, à privilégier la proximité, etc. Autant d’axes sur lesquels j’observe ou xpérimente et qui, à défaut de créer des conditions favorables à la résonance – celle-ci ne se décrète pas comme le rappelle Hartmut Rosa –, cherchent au moins à favoriser la rencontre, la coprésence, l’interaction. Car, j’en suis convaincu, dans la recherche, la pédagogie et l’action aménagiste, on peut laisser ouverte la possibilité d’une résonance.

– Sans exclure ce qu’on pourrait appeler une « politique du renoncement », illustrée au cours de la table ronde à laquelle vous avez participé, par Nicolas Escach, géographe, par ailleurs maire-adjoint de Caen en charge de la ville durable, qui a témoigné de la décision de sa ville de renoncer à un projet de densification d’un de ses quartiers, celui de la Presqu’île…

Luc Gwiazdzinski : Vous m’offrez l’occasion de dire le plaisir que j’ai eu à rencontrer ce collègue, ainsi que le 3e intervenant, Vincent Petitet, qui, de son côté, a témoigné de l’enjeu de la résonance dans les champs de l’aménagement du territoire et du management. En dehors de la table ronde, à laquelle participait également Édith Heurgon [directrice du CCIC], nous avons passé des heures à discuter ensemble. Nous nous sommes déjà engagés à poursuivre nos échanges au-delà du colloque. Comme moi, ils sont un peu hybrides – ce qui ne doit pas être anodin dans notre intérêt commun pour la résonance. Nicolas, géographe et élu, comme vous l’avez rappelé, se consacre aussi à des activités artistiques – théâtrales et circaciennes ! Sociologue de formation, Vincent pratique la boxe et la méditation tibétaine. Quant à Édith, elle est tout simplement inclassable.

Pour en revenir à cette « politique du renoncement », elle est une autre manière de parler de cette « indisponibilité du monde » dont parle Hartmut Rosa, en plus de permettre cette conception d’un aménagement et d’un urbanisme procédant pas à pas, en appréhendant le monde en termes de milieux davantage qu’en termes d’espace ou d’environnement, qui suggèrent des supports sur lesquels il suffirait de disposer des constructions et d’exploiter des ressources. De même, la notion de résonance ne peut qu’intéresser le  géographe appliqué à une approche sensible. Elle rend bien compte de situations que j’ai pu vivre à titre personnel – les relations amoureuses ou d’amitié – ou observées en tant que géographe comme, par exemple, les ronds-points de Gilets jaunes, les Zad et d’autres lieux effervescents.

– Pouvez-vous préciser en quoi cette notion de résonance fait sens au regard d’une mobilisation collective comme celle des Gilets jaunes ?

Luc Gwiazdzinski : La dimension émotionnelle ou résonance intrasubjective – le 4e axe de résonance évoqué par Hartmut Rosa – a été peu pris compte dans le traitement médiatique qu’on a pu faire de ces derniers. Pourtant, elle était bien là, bien que nous fussions dans un lieu symbolisant plutôt l’aliénation moderne – en milieu périurbain, les rond-point desservent les zones commerciales ou d’activités artisanales ou industrielles. Alors que des milliers d’automobilistes les empruntaient sans s’arrêter, et malgré toutes les nuisances qu’on peut y endurer, des Gilets jaunes y aménageaient qui un bar, qui un café, qui une cabane, qui un lieu où l’on pouvait prendre le temps de se parler, de débattre, de délibérer, de rompre avec le rythme ordinaire de la vie quotidienne… Personnellement, je m’y suis senti en résonance – c’est le mot. j’ai senti la manifestation d’un collectif, dont l’hétérogénéité tenait beaucoup par l’amitié.

– Mais comment valoriser ces situations de résonance, créer des dispositifs qui y seraient propices, sans engager dans le même temps une réflexion sur le « système économique » à l’origine de l’aliénation par l’accélération ? Comment agir sur les deux plans ?

Luc Gwiazdzinski : Effectivement, la question se pose. D’autant que le capitalisme a tôt fait de s’emparer des solutions ou mots d’ordre inventés pour se soustraire de ses formes d’aliénation. Ces moments de convivialité, de résonance, que les gens inventent spontanément, peuvent très vite inspirer un nouveau business en forme d’urbanisme événementiel ou transitoire… Un chercheur n’échappe pas au risque de conforter un système même quand il en analyse les antidotes. Pour se prémunir contre ce risque, il y a ce que j’appelle le rôle de l’« ami critique ». À chaque fois que je travaille dans un collectif, je confie à quelqu’un le soin d’assumer ce rôle ou endosse moi-même ce costume pour quelques heures. Cela étant dit, on est toujours à la merci d’une récupération et d’un détournement de ce que des personnes inventent en marge de la société, sur les territoires, pour en faire des produits marketing. La notion même de résonance n’y échappe pas. Certains en font déjà un argument pour vendre leurs conseils en développement personnel, quitte à aller à l’encontre de ce qu’est la résonance telle que définie par Hartmut Rosa, qui, on l’a dit, prend pourtant soin d’expliquer qu’elle ne se décrète pas, qu’elle est une expérience de ce qu’il appelle l’« indisponibilité du monde ».

– Que faire alors ?

Luc Gwiazdzinski : Il est clair qu’on ne peut plus aujourd’hui se projeter dans de grands projets d’aménagement, faire de l’urbanisme à coup de ZAC [Zones d’Aménagement Concerté], sur plusieurs ha, une fois pour toute. On devrait davantage procéder étape par étape, en ne s’interdisant pas de revenir en arrière, de renoncer à tel ou tel projet comme l’a fait la ville de Caen. Dans cette perspective, l’approche en termes de transition – « Passage d’un état à un autre, en général lent et graduel » d’après le Petit Robert – me paraît insuffisante. Je préfère parler d’adaptation, un terme qui est davantage à la hauteur des enjeux et des bouleversements que nous vivons. Nos disciplines doivent échapper à une sorte de métaphysique de la moyenne, du stable et du fixe pour accepter de s’inscrire dans une approche rythmique – au sens de manière de fluer.

Concrètement, cela implique de préserver des « espaces du possible » comme autant de « dazibaos », de manifestes ; des espaces encore non affectés, non construits qui restent ouverts aux appropriations, permettent aux citoyens et à la ville de respirer et facilitent l’adaptation et l’émancipation. Il y a depuis plusieurs années une demande forte de réappropriation de friches, que ce soit par des habitants ou des artistes, des collectifs… Seulement, on souffre encore de l’héritage de la Charte d’Athènes, qui prétendait assigner à chaque espace, à chaque zone, une fonction – résidentielle, commerciale, industrielle,… Un même espace devrait avoir plusieurs fonctions, variables au cours d’une journée, selon les saisons, etc. ; pouvoir être occupé par des gens différents, investis d’imaginaires au pluriel… Bref, un bâtiment, un espace public, un quartier, une ville ne devraient plus être assignés à un seul usage mais s’imaginer comme une salle polyvalente accueillant plusieurs activités en même temps et au fil du temps.

– Ne plus être rendu disponible, pourrait-on dire en référence à Hartmut Rosa…

Luc Gwiazdzinski : C’est tout à fait cela. L’espace est là ; on peut l’occuper provisoirement, mais en prenant le temps de négocier avec d’autres utilisateurs possibles et en intégrant son évolution au fil du temps. Cette approche s’inscrit dans ce que j’ai appelé la ville réversible et malléable.

– En vous écoutant, me revient la notion de « commun » qui offre, me semble-t-il, l’intérêt de suggérer des lieux dont on peut faire usage sans en être propriétaire, et dont il ne tient aussi qu’à soi de le rendre disponible aux autres, en en prenant soin.

Luc Gwiazdzinski : Cette notion de commun peut effectivement nous être utile pour rendre compte d’espaces disparus sous l’effet de la modernité, mais qui refont surface, sous d’autres formes, avec toujours l’idée d’une appropriation qui ne soit pas une privatisation et l’importance du partage. Pour ma part, je parle de « kairotopes », une notion que j’ai forgée pour aller plus loin que celle de chronotopes. Elle y ajoute l’idée d’un temps opportun. En matière d’aménagement et d’urbanisme, elle revient à considérer qu’il n’y a pas lieu de tout aménager, a fortiori dans un laps de temps prédéfini. On peut « faire la ville sur la ville », la densifier, mais en laissant des espaces à des futurs possibles, qu’on ne peut prévoir à l’avance, aujourd’hui moins que jamais dans le contexte d’incertitude lié au changement climatique. Concrètement, on peut prendre l’exemple de ces espaces non affectés pour y laisser un cours d’eau déborder et éviter ainsi les effets produits par des inondations dans des zones construites en dépit du bon sens. De manière générale et comme je l’ai déjà suggéré, il s’agit de ne pas affecter un espace à une fonction unique, mais d’y laisser la possibilité d’autres usages potentiels, quand bien même ils ne seraient pas encore connus. Soit des espaces éphémères, appelés à se transformer selon les circonstances, saisonnières ou autres. En ce sens les communs sont à considérer comme des réalités spatio-temporelles.

– Ce que vous dites me conforte dans l’idée que le dialogue amorcé ici entre le géographe que vous êtes et le sociologue Hartmut Rosa autour de ses notions, est on ne peut plus fructueux…

Luc Gwiazdzinski : Si comme il l’a indiqué lui-même, Hartmut Rosa n’a pas cherché à s’intéresser aux enjeux de ses notions en matière d’urbanisme, d’aménagement ou de géographie, force est de constater que les géographes ne s’en sont pas encore saisis non plus, alors que de toute évidence, ces notions font sens au regard de ce qu’ils peuvent observer, analyser, a fortiori quand ils s’inscrivent, comme lui, dans une démarche phénoménologique. Pour ma part, je ne peux m’empêcher, en lisant Hartmut Rosa, de penser au dialogue possible avec les travaux de géographes comme Éric Dardel [1899-1967] qui définit l’habiter comme « un mode de connaissance du monde et un type de relations affectives loin d’une approche abstraite ou technocratique de l’espace » (Dardel, 1952) ; Olivier Lazzarotti qui traite aussi de « l’habiter » dans ses multiples dimensions ; Augustin Berque et son concept de « médiance », ou encore le Québécois Luc Bureau [1935-2023], qui parle, lui explicitement, des territoires comme de « lieux de résonance entre l’homme et le milieu »…

– Il utilise le mot de résonance ?

Luc Gwiazdzinski : Oui, mais je ne saurais pas vous en dire davantage. Une chose est sûre : comme lui, les géographes gagneraient à se saisir de cette notion de résonance, en dialoguant avec le sociologue et philosophe Hartmut Rosa. Lui-même reconnait ne pas avoir cherché à amorcer ce dialogue. Et c’est ce qui est appréciable dans sa pensée, une pensée que je qualifierais du tremblement, en référence à Édouard Glissant, en ce sens qu’il pose une notion – encore fragile – en laissant advenir ce qu’elle peut susciter ailleurs, dans d’autres champs disciplinaires. En cela, la résonance est bien plus qu’une notion : un concept en mouvement. Certes, certains pourraient le trouver trop englobant ou ordinaire – quiconque peut s’en faire une idée a priori. Pour ma part, je lui reconnais une vertu heuristique. Elle ouvre indéniablement de nouvelles perspectives : inspirée de ses réflexions sur l’accélération et l’aliénation, elle lui a à son tour inspiré la notion d’indisponibilité du monde, puis désormais celle d’énergies sociales.  Donc, oui, je ne saurais trop encourager un dialogue autour de cette notion au regard de l’espace et du territoire ou, dans une visée plus opérationnelle, de l’aménagement et de l’urbanisme. Et à voir la manière positive, pour ne pas dire enthousiaste avec laquelle Hartmut Rosa a réagi à mon interpellation en ce sens, je crois pouvoir dire qu’il a envie de poursuivre ce dialogue. De mon point de vue, c’est d’ailleurs un acquis de ce colloque.

– Ne faut-il pas rendre aussi justice à ce lieu, le château de Cerisy, où se déroule le colloque et où nous réalisons l’entretien ? N’est-ce pas, entre autres lieux, un endroit propice à des rencontres réellement interdisciplinaires, dans lequel on ne se retrouve pas forcément entre pairs, chercheurs d’une même discipline, et où on peut d’autant plus se risquer à confronter ses notions, concepts, théories à d’autres approches, sans oublier aussi les expertises de praticiens conviés aux discussions au titre d’intervenants ou d’auditeurs ?

Luc Gwiazdzinski : Si ! Ne dissimilons pas cependant le fait que nous sommes aussi dans un des hauts lieux de la pensée qu’au prix sans doute d’un raccourci, je qualifierais de « française », que ce soit à travers les modes d’intervention – des communications d’une quarantaine de minutes – ou le fait de se retrouver dans un lieu, certes non coupé du monde mais isolé, pour débattre d’enjeux sur le temps long. En cela, il participe d’une tradition qui, en l’occurrence, remonte aux Décades de Pontigny [1910-1939]. C’est dire s’il peut être impressionnant. Dans le contexte d’accélération si bien décrit par Hartmut Rosa, on pourrait s’interroger sur la pérennité d’un tel lieu et de ses modalités d’échanges, sur plusieurs jours, à rebours de la tendance au zapping. En réalité, force est de constater que cette tradition résiste malgré les contraintes fortes qui pèsent sur nos emplois du temps. En ce sens Cerisy est un lieu à part, dans un contretemps qui fait de lui une oasis originale, un contre-lieu en somme : un paradoxe vivant qui ne sacrifie pas à la mode.

Finalement, je suis là, heureux d’avoir pu échanger avec Hartmut Rosa comme avec plusieurs participants, et conscient d’avoir creusé le sillon des colloques précédents auxquels j’ai pu participer, à commencer par ceux autour du poète et philosophe Édouard Glissant [1928-2011] et du philosophe Henri Maldiney [1912-2013], dans l’œuvre duquel je vois aussi d’évidentes résonances avec celle de Hartmut Rosa. Et puis, pourquoi ne pas le dire, j’ai assisté à des colloques bien moins réjouissants et conviviaux que celui-ci. Cela doit beaucoup à ce dernier et sa personnalité très à l’écoute de ce qui se dit, qui laisse les intervenants discuter de ses travaux comme s’il n’était pas là, qui accueille volontiers les commentaires critiques sans s’interdire des mises au point et contre-argumentations. Un vrai amateur de ping-pong, jusqu’à et y compris dans sa manière d’interagir dans le débat. Bref, un esprit ouvert, qui a donné le ton à ce colloque.

– Loin de moi de laisser accroire que c’est Cerisy qui vous aura donc permis de rencontrer Hartmut Rosa – encore une fois, vous l’aviez déjà rencontré à Grenoble. Mais il me semble que c’est à Cerisy qu’ont été créées les conditions d’un dialogue approfondi…

Luc Gwiazdzinski : Cerisy permet des rencontres en assumant, et c’est une autre de ses caractéristiques à rebours de l’air du temps, de préserver une certaine solennité dans la prise de parole – l’intervenant fait sa communication, installé à une table qui le place un peu en surplomb par rapport à l’auditoire. Le cadre lui-même est impressionnant. Je me souviens de la première fois où j’ai dormi au château pour le colloque « La nuit en question(s) », avec ces bruits de craquements qui semblaient évoquer des fantômes… Sans oublier la maîtresse des lieux, Édith Heurgon, un personnage qui en impose. Bref, Cerisy est un lieu, un petit monde à part qu’il faut savoir apprivoiser et dont il faut aussi savoir se laisser apprivoiser.

C’est dire s’il ne faut pas y simplement venir mais y revenir ! En attendant, la cloche se fait entendre et vous savez ce que cela signifie : nous devons, toutes affaires cessantes, nous diriger vers le réfectoire…

Luc Gwiazdzinski : En dehors des cloches qui scandent le vie à Cerisy – une étrangeté quand on y pense pour nous autres citadins qui n’avons plus l’habitude d’en entendre -, ce lieu recèle d’objets symboliques sinon de rites, qui concourent à faire communauté éphémère malgré les différences – d’origines, de professions, de disciplines, etc. – entre les participants : la baguette à journaux en bois, l’exposition des grands colloques passés sur les murs, le pain grillé du petit-déjeuner, la photographie de groupe ou l’omelette norvégienne du dernier soir. À cette occasion, les participants sont plongés dans l’obscurité pour bénéficier du spectacle de ce dessert enflammé, et invités à scander les prénoms des cuisinières jusqu’à ce que celles-ci pénètrent dans le réfectoire sous les applaudissements. Puis les directeurs les embrassent et les remercient, ainsi que le reste du personnel, au nom de tous. Le moment vire alors au repas de famille non sans raviver probablement chez certains des souvenirs d’enfance…

Propos recueillis par Sylvain Allemand

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est videRetour à la boutique
    Scroll to Top