Rencontre avec Arnaud Huillier
A priori, rien ne prédisposait Arnaud Huillier à fabriquer des ukulélés : il ne jouait jusqu’alors d’aucun instrument de musique. Et pourtant, c’est bien différents modèles de cet instrument fabriqués de sa main, que cet ébéniste exposait à Palaiseau ce week-end du 27-28 septembre, devant Racyne, la bien connue boutique de tapisserie d’ameublement, à l’occasion de la Brocante annuelle du Bout-Galeux. Explications.
– En déambulant dans la rue de Paris, de Palaiseau, à l’occasion de La brocante annuelle du Bout-Galeux, je découvre votre stand et les objets que vous y vendez. Pouvez-vous, pour commencer, nous dire de quoi il s’agit ?
Arnaud Huillier : Ce sont des ukulélés, de petites guitares ne comprenant que quatre cordes, au lieu de six, et donc beaucoup plus facile à prendre en main : le geste de battement est le même, mais les positions d’accord sont beaucoup plus simples à prendre. Pour ceux qui veulent s’initier à la musique, c’est pratique. Un autre intérêt des ukelélés est leur transportabilité : plus petits qu’une guitare, on peut facilement en emmener un avec soi. C’est particulièrement vrai des miens que j’ai conçu pour les rendre encore plus fins, sans perdre en robustesse. Pour les protéger dans les transports, j’ai fait concevoir des housses par Cécile, une créatrice d’accessoires zéro déchet, qui expose un peu plus bas – le nom de sa boutique : Ohfaitmain. Dans un cas comme dans l’autre, c’est une production 100% locale – je réside à Bures-sur-Yvette, elle à Orsay. Je ne cache pas que je me fais aussi plaisir en proposant un design plus inspiré de la guitare électrique et dans le choix des couleurs et des gravures – j’ai investi dans un laser qui me permet de faire pratiquement tous les motifs possibles. Chacun de mes ukulélés est ainsi unique.
– Pour vous être lancé dans cette activité, on se dit que vous êtes forcément vous-même musicien. Or, en amont de cet entretien, vous m’avez dit que non !
Arnaud Huillier : En effet, avant de me lancer dans cette aventure, je n’étais pas musicien, mais alors pas du tout ! Je n’ai jamais eu vraiment le sens du rythme. Adolescent, j’avais juste vaguement essayé d’apprendre à jouer de la guitare, mais sans succès ; cela me faisait mal aux doigts au point que j’ai dû abandonner très vite [rire]. Depuis, j’avais toujours pensé que je n’étais pas fait pour la musique comme d’autres peuvent le dire du chant ou du dessin. De formation et de métier, je suis ébéniste d’art : j’ai fait une école, un CAP [Certificat d’aptitude professionnelle] et un BMA [Brevet des métiers d’art] en ébénisterie. Depuis, je restaure des meubles anciens. Après avoir travaillé en alternance chez un ébéniste d’art, je me suis mis à mon compte, en commençant à travailler pour des tapissiers d’ameublement, comme Fanny. De là l’installation de mon stand devant son atelier-boutique, Racyne.
– Une boutique bien connue de Palaiseau. Comment avez-vous découvert le ukulélé ? Qu’est-ce qui vous a donc décidé à en fabriquer ?
Arnaud Huillier : J’ai travaillé chez un luthier qui en fabriquait en plus d’autres instruments de musique. En en essayant un, j’ai eu le sentiment que celui-ci serait plus à ma portée. Je me suis donc appliqué pour en jouer, d’abord pour le plaisir, ensuite, sous la pression de clients qui demandaient à ce que je leur fasse une démonstration… Autant vous dire qu’au-début, je n’en menais pas large Finalement, j’ai trouvé deux accords très simples – en appuyant avec un doigt sur une corde puis en grattant trois fois. Ça faisait « dring dring dring » et les clients adoraient ! Tant mieux, car, franchement, je ne pouvais guère faire plus [rire]. Petit à petit, j’y ai pris goût d’autant plus – et c’est tout l’intérêt du ukulélé – que j’avais la sensation de progresser assez vite. À l’attention de mes propres clients, j’ai gravé les listes d’accords à l’arrière de l’instrument : une sorte de dictionnaire des accords, qui permet aux plus béotiens de s’entraîner en toute autonomie.
– Ne vous consacrez-vous désormais qu’à cette nouvelle activité ?
Arnaud Huillier : Non, car je n’en vis pas encore. Je continue donc à faire des restaurations de meubles. Mais mon objectif est bien d’en vivre et de m’y consacrer pleinement.
– Moi-même ne suis pas musicien, juste amateur de musique. Je ne m’en suis pas moins arrêté net devant votre stand, en découvrant vos ukulélés, trouvant qu’ils pourraient servir de simple décoration tant ils sont plaisants à voir… Comment réagissez-vous à ce feed-back ?
Arnaud Huillier : Vous ne croyez pas si bien dire ! Mon premier ukulélé, je me souviens très bien de l’avoir acheté pour le plaisir des yeux. Je l’ai accroché chez moi, sans prendre même la peine de jouer avec, du moins au début. À force d’entendre des amis me dire : « Oh, un ukulélé ! Peux-tu nous en jouer ? », j’ai essayé de me lancé. Puis, il y eut le passage chez le luthier où je n’ai pas pu faire autrement que d’apprendre à en jouer un peu. Cela étant dit, mes ukulélés, je les conçois de manière suffisamment graphique pour qu’ils puissent être accrochés chez soi comme des objets d’art. Je propose à cet effet des supports pour les suspendre. Résultat : à vue d’œil, au moins la moitié des personnes qui m’en achètent n’ont jamais fait de musique : elles achètent un ukulélé dans un but d’abord décoratif. Certaines finissent cependant par s’y mettre. Dans mon esprit, c’est aussi et d’abord un instrument de musique. J’ai d’ailleurs veillé à ce que les miens sonnent juste, avec un son puissant.
Propos recueillis par Sylvain Allemand
Pour en savoir plus, se rendre sur le site akanth-ukulele.com
