Nous avons rencontré

De l’écoféminisme aux accents du Sud

Rencontre avec Oihana Allou

Suite de nos échos de la première édition d’Écofemmes Fest à travers, cette fois, l’entretien avec Allou Oihana, bénévole de l’association qui porte le projet Gender & Climate Change (GCC) et dont elle présentait la Fresque de l’écoféminisme.

– Pour commencer, pouvez-vous préciser ce qui motive votre présence à l’Écofemmes Fest ?

Oihana Allou : Je représente ici Gender & Climate Change, un projet de recherche-action, fondé en 2017 par Mouna Chambon et Mathilde Thonon en 2017 qui ont fait le constat suivant : les femmes sont davantage touchées et vulnérables face aux effets des changements climatiques L’objectif est donc de sensibiliser et de documenter les connexions entre les deux, dans une perspective écoféministe.  Nous nous adressons à un large public pour lui faire prendre conscience de la nécessaire articulation entre les engagements féministes et écologistes, à travers des actions et outils de sensibilisation comme cette Fresque de l’écoféminisme…

– Qui se présente sous la forme de ce jeu de cartes, disposé sur votre stand. Pouvez-vous nous en dire plus sur le principe de cette fresque ?

Oihana Allou : Cette fresque de l’écoféminisme est un jeu conçu dans l’esprit de l’Éducation populaire pour promouvoir de l’intelligence collective. À chaque carte correspond une question et une réponse relatives à la situation des femmes au regard d’enjeux climatiques. L’ensemble des cartes permet de mettre au jour des rapports de domination relevant du capitalisme, du patriarcat et du colonialisme, et leurs incidences sur les femmes ainsi que sur les minorités et le monde du vivant. Car ces rapports ont à voir les uns avec les autres et tout l’intérêt de la Fresque de l’écoféminisme est de mettre au jour la manière dont ils s’imbriquent et impactent des catégories de populations différentes. L’enjeu est alors de savoir ce qu’on peut faire au quotidien pour remettre en cause ces rapports de domination.

– « Capitalisme », « patriarcat » et « colonialisme » avez-vous dit. Que dites-vous à ceux qui pourraient considérer que ce sont-là des catégories très générales qui ne peuvent rendre compte de situations spécifiques à un contexte donné ?

Oihana Allou : Effectivement, ces concepts sont génériques et ne vont donc pas de soi. C’est pourquoi nous nous inscrivons dans une démarche de vulgarisation en y incluant un travail d’explicitation de ce qu’ils recouvrent exactement. À l’intention de personnes peu renseignées sur leurs sens respectifs ou qui ne croient pas en l’existence de « systèmes de domination », nous partons d’exemples du quotidien. C’est précisément tout l’intérêt de notre Fresque de l’écoféminisme : elle invite tout un chacun à prendre connaissance de situations particulières, qu’on peut être amené à connaître soi-même, pour ensuite mettre au jours leurs liens avec ces systèmes de domination. Ce faisant, la Fresque offre aussi l’intérêt de mettre en évidence des points communs entre des catégories de personnes qu’on ne soupçonne pas  et ainsi de faire prendre conscience que des situations apparemment particulières ne le sont pas autant que cela, qu’elles découlent de facteurs explicatifs plus généraux liés précisément à l’existence de ces systèmes de domination.

– Ce que vous dites-là m’inspire une autre question quant à la manière dont on peut entendre le « jeu » : au sens d’une pratique ludique, mais aussi au sens de l’espace que l’on crée de façon justement à ménager une capacité d’action…

Oihana Allou : C’est exactement cela ! la Fresque de l’écoféminisme a aussi pour vocation d’ouvrir un espace de discussion autour de concepts pour en expliciter le sens, les expliciter, mais aussi confronter les expériences, les témoignages personnels, de façon à réagir collectivement.

– Comment en êtes-vous venue à l’écoféminisme au point de rejoindre GCC ?

Oihana Allou : J’ai toujours eu une grande sensibilité pour les questions touchant au féminisme, au racisme et au colonialisme. À quoi s’est ajouté plus récemment un intérêt pour les enjeux écologiques. Ce qui me plaît et m’intéresse en définitive, c’est de voir à quel point toutes ces causes convergent vers l’écoféminisme que, moi-même, j’ai découvert en écoutant des podcasts, en lisant des articles, en suivant également des cours sur le sujet à l’université – j’ai l’opportunité et la chance de faire des études en sciences humaines et sociales pour lesquelles cet écoféminisme est devenu un champ de recherche à part entière. Cependant, je ne voulais pas en rester là : tous ces enjeux me touchant, me questionnant, j’ai eu envie d’utiliser le temps libre dont je dispose pour m’engager et apprendre aussi des autres. Le faire au sein d’une association permet justement de rencontrer d’autres personnes, de discuter avec elles, d’apprendre à leurs contacts. C’est pourquoi, l’an passé [2024], j’ai rejoint Gender & Climate Change.

– Puisque vous avez évoqué les sciences humaines et sociales, je ne résiste pas à l’envie de vous demander si vous avez des « maîtres » ou « maîtresses » à penser dans ces disciplines ?

Oihana Allou : Des maîtres et maîtresses à penser ? Ce n’est pas le genre de mots que j’utiliserais [sourire]. Et puis, sur tous les sujets que nous venons d’évoquer, il y a tant de théoricien.nes et de penseur.euses, tant de courants différents… Difficile de choisir ! Une chose est sûre : les personnes qui m’inspirent le plus sont d’abord des militant.es, actuel.les, qui œuvrent sur le terrain.. Dans les pays occidentaux, on pense spontanément à Greta Thunberg. Une référence indéniablement, que je respecte beaucoup. Mais, je préfère regarder du côté d’autres femmes à commencer par celles qui portent des luttes dans des pays du Sud. C’est elles qui me touchent et que j’aurais envie de mettre d’abord en lumière.

Propos recueillis par Sylvain Allemand

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