Entretien avec Céline et Julie de Maison Théacée
Suite de nos échos à la première édition d’Écofemmes Fest à travers, cette fois, l’entretien avec Céline et Julie qui réalisent des fleurs, des lanternes et d’autres choses encore à base de papier…
– Vous participez au marché des créatrices éco-responsables de l’Écofemmes Fest. Si vous deviez, pour commencer, caractériser vos créations ?
Céline : Nous réalisons des œuvres intégralement faites en papier. De ce que l’on appelle l’art du papier, on connaît le plus souvent l’origami qui joue avec les plis. De notre côté, nous sommes plutôt dans une technique de sculptage. Les créations que nous proposons – des fleurs, des lanternes ou des tableaux de couronne végétale – sont davantage issues d’un art de la découpe et du façonnage : nous assemblons différentes pièces pour leur donner une forme et un volume.
– Il se trouve que la personne à laquelle vous vous êtes associée n’est autre que votre sœur…
Céline : [Rire]. Oui, tout à fait, et c’est ce qui me motive aussi dans ce projet.
– Comment en êtes-vous venues à cette activité de création ?
Julie : Depuis toute petite, j’aime travailler avec ce matériau, le papier. J’ai commencé par l’origami avant de découvrir d’autres manières de faire. J’ai suivi des cours, dans le cadre d’ateliers, auprès d’artistes qui travaillent avec le papier, pour acquérir des techniques avant de développer ma propre pratique. Je précise que j’ai poursuivi des études en scénographie aux Arts Décoratifs (ENSAD). J’ai donc commencé à travailler le papier dans une perspective de décoration notamment dans le domaine de l’événementiel.
Céline : De formation et de profession, je suis pour ma part architecte. J’ai toujours eu une appétence pour la création. Elle n’a fait que se renforcer au fil de mon expérience professionnelle au sein d’agences d’architecture. Mais, comme je l’ai dit, j’ai toujours entretenu aussi le désir de créer quelque chose en commun avec ma sœur. Elle-même souhaitait que l’on travaille ensemble. Nous avons donc réfléchi à la manière de nous associer dans un projet commun. L’une et l’autre affectionnons le papier, du fait de sa structure, de sa souplesse…
Julie :… et de sa versatilité !
Céline : En effet, le papier est un matériau particulièrement versatile au sens où on peut faire beaucoup de choses avec. Dans notre projet, je retrouve ce plaisir à réaliser des maquettes…
– À l’image de cette réalisation qui représente la façade d’un immeuble, soit une 4e catégorie de création, dont on devine qu’elle a été introduite par vous, l’architecte…
Céline : [Rire]. En fait, elle est dérivée du principe des tableaux. L’idée est de proposer la reproduction en miniature de façades de lieux qu’on aime : un monument ou une maison, celle de son enfance, des vacances ou de ses grands-parents. Le plus souvent, on n’en conserve la trace que sous la forme d’une photo ou d’une illustration. Nous proposons de préserver cette mémoire avec une œuvre en papier, conçue à la manière d’un bas-relief : une manière de redonner vie à la façade en jouant sur l’ombre et la lumière…
– C’est donc une œuvre à chaque fois unique que vous proposez, dont on devine que la réalisation sur mesure doit requérir un travail préalable de documentation…
Céline : Exactement !
Julie : Bien sûr, nous pourrions travailler sur la base d’une simple photo. Mais nous estimons préférable de prendre le temps d’échanger avec la personne pour en connaître les attentes – peut-être souhaitera-t-elle que soit mis davantage l’accent sur une partie spécifique de la façade…
Céline : C’est à la suite de cet échange qu’on peut d’ailleurs définir, comme en architecture, le cahier des charges. De cette façon à répondre au plus près des attentes du client.
– Au fait, pourquoi Maison Théacée ?
Céline : Théacée est le nom de la famille des arbres à thé. Or, le thé, c’est donner le temps de l’infusion et, donc, rappelle la lenteur, comme une invitation à prendre son temps et par là même soin de soi. Un état d’esprit qui traduit bien le sens de notre démarche et que l’on souhaite insuffler à travers toutes nos créations. Pour ne prendre que cet exemple, chaque pétale de nos fleurs est façonnée à la main…
– Où en êtes-vous dans le développement de votre société ?
Céline : Nous l’avons lancée cette année [2025] avec l’objectif de pouvoir vivre de cette activité de création. Pour l’heure, nous poursuivons chacune nos activités professionnelles respectives. Pour ma part, celle d’architecte, en agence…
Julie : De mon côté, je réalise des créations en papier pour les marques que ce soit pour leurs vitrines ou des démonstrations en boutique.
Céline : Pour nous faire connaître, nous commençons à faire des marchés de créateurs, à l’image de celui-ci. À l’attention des particuliers, nous aimerions proposer des ateliers pour faire découvrir cet art encore peu connu de la création à base de papier, mais aussi permettre à tout un chacun de réaliser ses propres fleurs, lanternes ou tableaux. Pourquoi pas aussi des façades, sur la base de modèles plus simples que celui présenté ici. En parallèle, nous pourrions aussi contribuer à la décoration d’événements exceptionnels de type mariage, en proposant de la décoration de table, des accessoires, des fonds personnalisés pour des photos souvenirs type photobooth. Julie et moi avons l’expérience de la prestation de services. Nous aimerions donc aussi nous adresser à des entreprises, des enseignes de magasins notamment, dans une logique BtoB, pour la réalisation de leurs vitrines ou assurer la décoration d’événements.
– Que dites-vous à ceux qui pourraient s’étonner de votre attachement à ce matériau, le papier, qui peut paraître archaïque à l’heure où on ne parle plus que de numérique et d’IA ? Je vois que mon interrogation vous fait sourire…
Julie : En effet ! Je n’opposerai pas les deux. Personnellement, j’apprécie beaucoup les ressources du numérique et de l’IA. Je fais une veille régulière pour rester à jour car le sujet évolue très vite. Cela étant dit, je crois important de garder aussi un rapport matériel aux choses. D’autant plus que je suis aussi convaincue que : ce qui est à même de durer est ce qui existe sous une forme matérielle, à l’image du papier, un matériau qui traverse le temps.
Céline : Comme Julie, je crois qu’il faut se garder d’opposer le digital et le matériel. Les deux devraient pouvoir cohabiter. Même s’il est consommateur d’énergie, le digital offre l’intérêt d’économiser des ressources. Le matériel n’en reste pas moins important, ne serait-ce que parce que l’humain a besoin de toucher, de sentir. Et s’il en est ainsi, c’est parce que ces sensations laissent en nous une trace, une mémoire que seule cette expérience tangible peut créer. Certes, on pourra toujours avoir du plaisir à voir l’image d’une belle fleur sous forme immatérielle sur un écran. Mais c’est tout autre chose que de l’avoir dans les mains, qu’elle soit naturelle ou en papier : dans un cas, on peut en sentir le parfum et en apprécier le moindre détail, dans l’autre, on imagine tout le travail qui a été nécessaire à sa réalisation. Chacun peut ainsi se faire une expérience personnelle et, en cela, profondément humaine.
– Ce que vous dites comble l’éditeur que je suis : j’ai fait le pari de croire encore dans le livre papier. Pas plus que les fleurs virtuelles ne rendront futiles des fleurs en papier, pas plus le livre numérique ne supplantera le livre papier. L’un et l’autre sont complémentaires. J’irai plus loin en disant que le livre papier a toujours fait preuve de souplesse, d’agilité et même de « versatilité » pour reprendre votre mot, au point d’avoir su adopter le numérique jusque dans ses conditions de fabrication et d’impression. Ce que je m’emploie à illustrer en intégrant dans certains des ouvrages que j’édite des QR Codes de façon à permettre au lecteur d’accéder à d’autres ressources.
Céline : Le numérique et le papier peuvent se soutenir mutuellement. Et vous l’illustrez à votre manière : le fait d’y mettre des QR Codes permet d’accéder à d’autres ressources. Reconnaissons que le livre, par sa matérialité même, a aussi ses limites. Sa force est donc de s’allier à d’autres univers, d’autres outils.
Julie : Céline et moi ne nous considérons pas comme des anti-numériques ou anti-IA. Encore une fois, il ne s’agit pas d’opposer le numérique et le matériel, mais de les combiner, de les utiliser à bon escient.
Céline : De là à ajouter des QR Codes à nos propres réalisations… Nous n’y avions pas pensé, mais qui sait ?
L’entretien se termine dans un éclat de rire.
Propos recueillis par Sylvain Allemand
Pour en savoir plus sur Maison Théacée : www.maisontheacee.com
À vos agendas ! Céline et Julie nous annoncent qu’elles seront présentes au marché de Noël qui se tiendra le week-end du 13-14 décembre prochain, à la Cité Fertile (Pantin), dans le cadre du « Ramen Festival ».
