En complément de l’entretien « épistolaire »* qu’elle a bien voulu réaliser à son retour de voyage sur l’île de Taïwan, Catherine Véglio commente quelques photos prises à cette occasion : des scènes de la vie quotidienne, des éléments du patrimoine architectural traditionnel et des plus modernes, enfin, des paysages.
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SCENES DE LA VIE QUOTIDIENNE
1 – Chez un producteur de thé Oolong
Le producteur de thé est un homme heureux. Il était ouvrier agricole dans sa jeunesse et il a travaillé dur pour acheter quelques hectares et cultiver son propre thé à flanc de montagne. Et pas n’importe lequel, le fameux thé Oolong, parfois vendu très, très cher! Il a de nombreux clients en ville et sa femme prépare les expéditions. Nous ne sommes pas prêts de repartir avec nos paquets de thé mis sous vide. Nous sommes assis sur de petits tabourets en bois et la cérémonie du thé commence. Première salve, deuxième salve, troisième salve… Notre ami Christophe traduit et nous dégustons, non sans avoir auparavant senti le parfum subtil du thé. Le Oolong ici, c’est un peu comme un grand vin en France.

2 – La foule à Jioufen
La foule déambule dans la vieille rue de Jioufen bordée d’échoppes. Le temps des chercheurs d’or est révolu. Jioufen n’est plus « la petite Shanghaï de Taïwan » mais une cité très prisée par les habitants de la métropole de Taipei et les touristes, qui lèvent haut leur e-phone pour capturer les vues sublimes sur l’océan Pacifique.

3 Sources chaudes et tradition des bains
Nous nous perdons dans les différentes caractéristiques des eaux thermales de l’île. Les prochaines que nous croiserons bientôt – Taïwan possède une centaine de sources thermales – seront-elles des sources de carbonate de sodium, de soufre, ferreuses, de boue… ? Quelle sera leur température ? 40° C et plus, ce n’est pas habituel pour des pieds de « Long nez » ! Peu importe, toutes ont des vertus innombrables et notamment celle de prendre le temps – de converser avec son voisin, de lire, d’écouter le chant des oiseaux ou de faire des ronds dans l’eau…

4 – Un dimanche à la campagne
À Shifen le dimanche, dans le nord de l’île, on mange à toute heure en famille, entre amis et on regarde passer le train qui coupe le village en deux. Une fois le train parti, amoureux, étudiants et visiteurs investissent la voie ferrée pour décorer et envoyer des lanternes célestes. Ils les regardent s’envoler, gardiennes de leurs vœux. Autour d’eux, les badauds applaudissent. Un sifflement annonce l’arrivée du train. Tous remontent sur le trottoir. Bientôt, il sera l’heure de rejoindre la ville. Les dimanche soirs sont toujours un moment particulier.

ARCHITECTURE
5 – « Vieille rue à Lukang »
À Lukang, petite ville tranquille sur la route côtière qui mène vers le Sud, le passé ressurgit dans les vieilles ruelles bordées de maisons traditionnelles. Un peu plus loin, il a sombré dans la vase et le sable : le grand port prospère, qui entretenait des relations commerciales avec la Chine continentale jusqu’au XIXe siècle sous la dynastie Qing, n’est plus qu’un lointain souvenir, lié à l’occupant japonais qui l’a fermé à la navigation à la fin du XIXe siècle.

6 – Tour 101 Taipei
Avec ses 508 mètres de hauteur et ses 101 étages, la Tour 101 de Taipei a coiffé le monde entre 2004 et 2010, avant de se faire détrôner par la Tour Burj Khalifa à Dubaï et bien d’autres depuis. Oeuvre du bureau d’architectes taïwanais Chu-Yuan Lee & Partners, elle est un emblème pour Taïwan. Témoignage de sa maîtrise technologique : conçue pour résister aux séismes, la tour est également dotée d’un énorme balancier de 660 tonnes pour limiter les mouvements latéraux du bâtiment en cas de violents typhons. Symbole de la culture chinoise : une forme en tige de bambou pour la jeunesse et la longévité, des ornementations figurant d’anciennes pièces de monnaie pour la prospérité et l’abondance. Tout un programme, jalousement gardé par des dragons placés aux coins de chaque section, des animaux mythiques censés protéger les bâtiments des esprits maléfiques. La Tour 101 ou l’affirmation de l’existence de Taïwan, dressée pour défier toute menace extérieure.

7 – Tradition et modernité à Taichung
L’alliance de la modernité et de la tradition est omniprésente, comme ici, à Taichung, cité universitaire et 3ème ville du pays. Assis sur les tatamis d’un restaurant tout en bois, nous regardons des femmes nourrir les carpes du bassin sur lequel flotte comme un air du Japon. Le temps s’arrête et nous faisons un peu d’histoire : le Japon a occupé l’île un demi-siècle (1895-1945), à la suite de sa victoire contre la dynastie mandchoue des Qing lors la première guerre sino-japonaise. Sortis de l’établissement, nous retrouvons une large avenue hérissée de tours. Le temps s’accélère : la circulation est dense et les véhicules de marques japonaises majoritaires…

8 – Temple dédié à Confucius
Calme et beauté nous saisissent dans les jardins paisibles qui entourent le temple de Confucius à Tainan, qui fut capitale de l’île pendant deux siècles (1663-1885). Nous circulons entre bonsaïs et bassins de lotus et notre ami Christophe en profite pour nous instruire sur la pensée confucéenne, en insistant sur le goût de l’effort et de l’étude. Dans le temple magnifiquement restauré – construit en 1665, il est l’un des plus anciens du pays – nous retrouvons les valeurs prônées par Maître Kong (551-479 avant J.-C.) inscrites sur de grandes tablettes. L’influence du confucianisme demeure, en particulier dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation.

9 – Dans un temple bouddhiste
Dans un temple bouddhiste, niché au coeur des gorges de marbre blanc de Taroko à l’est du pays, une moniale nous raconte les violentes secousses sismiques du printemps dernier qui ont endommagé l’édifice le 3 avril 2024. Elle loue la protection de Bouddha, qui a protégé le monastère et ses occupants et nous offre « des bonbons du bonheur » et quelques bribes de sagesse. Située sur la ceinture de feu du Pacifique, sur une zone où les deux plaques tectoniques de l’Asie et des Philippines se rencontrent, l’île est affectée régulièrement par des tremblements de terre (une vingtaine d’une magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter depuis le début du XXe siècle), rappelant la fragilité de la condition humaine.

PAYSAGES
10 – La côte sauvage de l’Est
D’énormes blocs arrachés aux flancs des montagnes et des pêcheurs tranquilles, au bord des eaux poissonneuses du Pacifique, sur la côte sauvage de l’Est, région faiblement peuplée. Il souffle ici un grand air du large à l’image d’une île qui s’ouvre sur la zone Pacifique, grâce à « la nouvelle politique en direction du Sud », lancée par la présidente Cai Yingwen en 2016 pour développer les échanges avec les membres de l’ASEAN (Association des Nations Unies de l’Asie du Sud-Est), l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

11 – Cyprès millénaires
Sur les sentiers qui parcourent les montagnes d’Alishan, au centre de l’île, région réputée pour ses fameux thé verts et Oolong (ou thé « bleu-vert »), nous explorons la beauté des forêts. Sous des cyprès géants sacrés défilent des randonneurs impressionnés. Certains sont millénaires et hauts de quelque 40 mètres. À les regarder se rapprocher du ciel, notre émotion est palpable et nous en oublierions presque les cerisiers en fleurs croisés un peu plus bas.

12 – Montagnes du centre
Le soleil se lève à l’Est et vers 5 h du matin, des centaines de visiteurs attendent patiemment de monter dans le petit train qui grimpe à travers la forêt d’Alishan, pour admirer le lever de l’astre-roi sur la mer de nuages entourant les montagnes. Nous prolongeons ce moment féérique en parcourant des chemins plantés d’escaliers de pierre. Un jour nouveau arrive et c’est un grand spectacle !

13 – Rizière
Plaine fertile à l’est de l’île, du côté de Chishang. Nous cheminons au milieu des rizières vert-jade, développées lors de la colonisation japonaise. Le climat tropical de l’île permet jusqu’à trois récoltes de riz par an. Ce jour-là, nous ne croisons pas de couples « just married ». Il paraît pourtant que ces paysages romantiques sont prisés pour venir passer une lune de miel.

Par Catherine Véglio