Les savoirs perdus de l’économie
Contribution à l’équilibre du vivant
Gallimard, coll. « NRF Essais », 2023, 384 p.
Économiste, l’auteur auquel on doit une passionnante histoire du système de Law (La politique du merveilleux, Fayard, 2018), nous plonge dans des écrits des XVIIe-XVIIIe siècles, ayant nourri la constitution de deux champs de savoir : la science du commerce, d’une part, la physique oeconomique (largement inspirée de la science oeconomique du savant suédois Carl von Linné), d’autre part. Les mots « science » et « physique » sont trompeurs : dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit en rien de dégager des lois intemporelles et universelles, mais, au contraire, de s’appuyer sur l’expertise des praticiens, une connaissance fine des milieux ; de mettre au jour des vérités mais « locales », en assumant qu’elles ne puissent être dupliquées ailleurs. C’est dire si leurs promoteurs voyaient d’un très mauvais œil l’émergence de l’économie politique portée par les physiocrates et ce qui annonçait les sciences modernes. Mais c’est dire aussi, et l’auteur nous en convainc d’une manière magistrale, si on gagnerait à revisiter ces approches à l’heure où il nous faut constater les errements d’une science économique qui, même quand elle s’attache à prendre en considération l’environnement (cf les externalités négatives) continue à traiter la « nature » en termes de ressources au service des seuls humains.
Sylvain Allemand