Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIe-XXIe siècle)
Un livre d’Arnaud Orain
Flammarion, 2025, 258 p.
Son précédent ouvrage, Les Savoirs perdus de l’économie. Contribution à l’équilibre du vivant (Gallimard, 2023), nous avait déjà impressionné par sa capacité à exhumer des XVIIe et XVIIIe siècles des visions de l’économie, à commencer par la » Physique oeconomique », d’une étonnante pertinence dans la perspective d’une transition écologique. Une nouvelle fois, cet historien et économiste démontre magistralement ce qu’on gagne à se plonger dans des écrits anciens aussi bien de théoriciens que de praticiens pour comprendre le contexte actuel. Car le capitalisme dans lequel nous avons basculé depuis les années 2010 ressemble fort à celui qui sévit durant les années 1880-1945 et même… les XVIe-XVIIIe siècles. Un capitalisme que l’auteur qualifie « de la finitude » par opposition au capitalisme (néo)libéral. Autant celui-ci promeut le libre-échange, la concurrence, croit en la prospérité générale sur fond de « mondialisation heureuse », autant le premier, préoccupé par la rareté des ressources, incite à privatiser l’espace maritime, à contester la concurrence et à constituer des empires en silos… (on reconnaîtra plusieurs traits de la tradition mercantiliste même si l’auteur renonce à s’y référer – le mot même n’apparaît que deux fois sous sa plume). L’agressivité commerciale actuelle des États-Unis et de la Chine, les prises de position d’acteurs de la Tech s’éclairent sous un jour plus qu’inquiétant : elles trahissent le retour de ce capitalisme par ailleurs belliciste et xénophobe. En conclusion, l’auteur voit dans les transitions énergétiques et une moindre dépendance aux ressources au cœur des rivalités (soit l’ « écologie de guerre » de P. Charbonnier), les planches de salut de l’Europe. Lucide, il recommande d’en promouvoir au moins une version faible…
Sylvain Allemand